DANS L'OMBRE & SOUS LES CARESSES ...
Temps
gris ce matin.
Tristesses que j'arrive à camoufler. Pour les oublier ? Est-ce là l'essentiel ?
Non, je suppose que l'essentiel est là : je ne suis pas malade, du moins pour les six mois à venir. Six mois de répit
avec cette maladie.
Un examen désagréable, douloureux, angoissant, pour le corps et l'âme. Dévoiler ma chair à des inconnus, être étudiée, être atteinte dans sa féminité... Trois quarts d'heure
d'expectatives dans une salle sans fenêtres, seule, à moitié nue, sans savoir ce qu'il se passait. Ça donne le temps de penser... à tout. Au fait qu'à 36 ans, on vérifie trois fois par an
si je n'ai pas de cancer...
... Au fait que je suis ignorée par mon homme.
Aucun réconfort avant, dans l'appréhension, l'inquiétude. Aucune question après. Silence. Oubli. Oubli certainement excusé par le boulot, la fatigue. Mais oubli de moi. Je vis
avec lui ! Il m'oublie. Comme si je n'existais pas. Ça m'a rendue tellement triste ; il m'a fait beaucoup de peine. Je n'ai rien dit, après tout, au fond, il s'en contrefiche, non ? S'il
s'en souciait, il se serait rappelé, à un moment ou un autre, vu certaines allusions, vu les résultats bien en vue. J'en avais parlé plusieurs fois. Pas juste avant, non, je lui ai
épargné mes états d'âme. Je ne peux pas partager ça avec lui, il se détourne de mes souffrances, de mes doutes.
J'évite d'y penser, parce que je trouve ça moche. Déçue ? Un peu, pas trop, je m'y attendais. Quand on en est là, que doit-on conclure de son couple ?
* * *
« Et à trois mois de grossesse, j'avais attrapé la rubéole. (...) avant de décider quoi que ce fût, je voulais attendre,
je devais de toute façon attendre les résultats des tests. (...) J.C., lui, avait eu des phrases atroces. »
« En fait, les anticorps avaient fini par apparaître, on m'avait arraché l'enfant du ventre à quatre mois... »
« C'est un petit condamné à mort que je portais en moi. Et J.C. ne mettait plus sa main sur mon ventre, le soir, avant de s'endormir. Il se désolidarisait. Il nous lâchait. Je le
hais. Je ne lui pardonnerai jamais. »
Françoise Rey ~ Marcel Facteur
Marcel Facteur est un roman érotique, raconté autour d'une vie.
Lire ces lignes il y a deux soirs m'a émue, retournée, a rouvert un instant cette blessure à peine refermée... et en
même temps, m'a apaisée, aidée à comprendre et accepter. A légitimé mes émotions. J'ai le droit de souffrir, même un an après. Bien sûr, la douleur s'est atténuée, mais quelque chose
restera toujours "là"...
Cette semaine regroupe beaucoup de dates. En sept jours, je peux compter une fausse couche, une fête, un curetage, trois
anniversaires, deux gros accrochages dans mon couple, un anniversaire de rencontre, et un décès. Jours lourds, tristes associations de dates, souvenirs qui remontent à la surface malgré
moi, à une vitesse vertigineuse. Ces sensations, avant et après mon intervention. Ce vide, depuis, jamais comblé. J'ai peur, encore. De me retrouver seule, avec ou sans bébé. Mais
j'ai envie d'un enfant, envie que la vie reprenne le dessus.
* * *
J'essaie de boire les gouttes du
soleil.
Cet après-midi, les quelques rayons qui se faufilent entre les nuages, nourrissent ma peau.
* * *
Il y a un an, je me réveillais d'une anesthésie, pour tomber dans un cauchemar. Je ne sais plus s'il pleuvait. Il faut
oublier, ne pas se morfondre. J'aimerais, oublier. Du coup, surtout, il faut se taire, n'en parler à personne.
Il y a deux ans, mon amant et moi faisions l'amour pour la première fois, sans caoutchouc entre nous. Un cadeau particulier, unique... L'amour qui prend le pas sur la raison. Une
façon à lui de me dire que j'étais unique.
Il y a trois ans, je venais de voir pour la première fois le sourire et le regard de mon homme, osant franchir la frontière du monde virtuel. Cette image de lui, qui
m'attendait, m'a marquée à vie. Il m'a plu de suite. J'allais lui dire, plus tard, "tu as de très beaux yeux, et ton regard quand tu souris... il y passe plein de choses très
douces."
Cet homme que je n'avais jamais rencontré, m'avait prévenue. "Si tu me plais, je t'embrasserai". Et ça me terrifiait. Et il m'a embrassée. Il m'a mordillée dans le cou,
aussi, lors d'un baiser rempli de désir. C'est resté, entre nous, ce côté félin... J'ai caressé ses mains, ses bras, et j'ai été frappée par la chaleur et la douceur de sa peau. Ce
quelque chose de rassurant, protecteur... Il m'a écrit, plus tard : "Je tenais un ange dans mes bras, et tu étais chaude, présente, douce et fragile." Il avait une jolie
vision de moi, à cette époque, non ?
Il y a trois ans, malgré novembre, le soleil était là lui aussi, nous marquant tous les deux. Quand je suis repartie, il éclairait tout, la ville était lumineuse. Moi, je flottais. Et
pour accompagner cette clarté, j'écoutais Grace, du
film The Horse Whisperer, et aussi The Rhythm of the
Horse. Une bulle pour une ambiance unique.
Cet homme allait devenir mon amant, quelques temps plus tard.
Nous étions déjà amoureux, déjà compliqués, sûrement passionnés, sans nous l'avouer. Relation complexe, douloureuse, maladroite. J'ai relu quelques mots : "Ce qui me trouble, chez
toi, c'est ce mélange de fragilité et de sensualité. J'ai envie de te protéger et en même temps de partager avec toi d'intenses plaisirs sexuels. J’ai envie de (...)
t’entendre et de te lire. Ecris-moi."
Je crois qu'aujourd'hui, nous sommes aussi maladroits, mais toujours amoureux. J'espère. Même s'il ne veut plus de ma
fragilité, même s'il ne veut plus partager ces plaisirs comme avant, même s'il ne veut plus trop m'entendre... Pense-t-il toujours ces mots ?
Ces jours derniers, j'ai l'impression qu'il y a de timides rapprochements, mêlés à de fougeux moments de corps à corps. Le point négatif, c'est mon silence qui passe sur beaucoup de
choses... Je ne me perdrai pas, non plus, dans cette histoire. Je ne peux pas me taire et tout accepter. Mais je retrouve quelques "je t'aime", un "tu es belle", et même "tes cheveux
sont jolis, dans la lumière". Il croise mon regard. Il me sourit parfois. Il m'embrasse. Même si ce n'est qu'un matin de temps en temps, une seule nuit où il va oublier le
sommeil...
On se raccroche au soleil. J'aimerais y refaire référence, comme avant, quand je "faisais du soleil", soi-disant... Je le faisais grâce à lui. Je rayonnais.
Même s'il avait bien sûr oublié "notre anniversaire", il semble avoir été touché par mon cadeau déposé sur son oreiller. Je m'étais pourtant dit que j'allais "omettre", moi aussi, ce
jour-là, mais j'ai voulu lui redonner sa signification première : notre rencontre, pas ma fausse couche. Ne pas effacer.
Quand celui que j'aime cherche mon contact, je me sens tellement mieux. La complicité me fait du bien. Arriverons-nous
à dire nos sentiments autrement que par les corps, en touches éparses ?
Sera-t-il mon compagnon, un jour, celui qui donc m'accompagne, est à mes côtés par la pensée ?
* * *
Et quand il joue, mon musicien, comme juste là, maintenant... Je l'aime. Tout simplement.
Sa sensibilité... Mes émotions. Pourtant, même ça, il ne le voit pas.
Je souffre. Mon couple souffre.
De quoi souffre mon compagnon, au juste ? Quand il ignore complètement mes émotions, mes ressentis, mes angoisses ? D'égoïsme ? Ce n'est pas la peur, qui l'a rendu silencieux, non, c'est juste l'ignorance. Il ne sait pas, se mettre un peu à la place des autres, il se refuse à l'empathie. Il va appeler ça de la pitié. Il ne s'intéresse pas aux sentiments des autres, mais il dit aimer les gens.
Je sais, ce que je dis est dur. Il ne le fait pas en pensant à mal. Il ne pense pas, c'est tout. Partant du principe qu'il ne doit compter sur personne, il se détourne des autres pour que surtout, on ne compte pas sur lui...
Il se sent maladroit, sûrement, sur certains points. Avant, il était maladroit mais essayait de comprendre, de rassurer...
Je l'aime, alors j'accepte. C'est dur.
J'avoue, je me demande parfois ce que lui accepte en retour...
Je m'accroche aux jolis souvenirs, pour me dire que ça peut redevenir comme ça ?
Nos pensées et nos baisers peuvent ils vous aider tant soi peu ? Je le souhaite ...
Non, pas d'impuissances. :)
Je l'ai déjà dit, écrire me fait du bien. Vous lire aussi. :) Vos réponses me rappellent que je suis humaine, et normale. Que mes faiblesses et mes tristesses ont le droit d'être, même si mon homme les (re)nie (pour diverses raisons).
Espoir basé sur des souvenirs, mais espoir quand même. Ayant vu comme ça pouvait être, il faut croire que ça peut revenir... moins passionné, peut-être, mais revenir quand même...
Il y a des éclaircies, ces derniers temps. :) Malgré novembre.
"Il faut garder espoir, même sans y croire" a dit je ne sais plus qui. ;)
Il me vient l'envie que celui que tu appelles "ton homme" découvre à son tour ces pages, et soit comme nous troublé, ému, admiratif aussi de cette personnalité qui se dessine ici et dont il a la chance de partager la vie...
Aile
C'est quelque chose que j'aime bien faire, lire les blogs à rebours, découvrir la personne derrière les mots, petit à petit... Là, ça va, il n'y a pas encore trop de billets. :)
Contente d'avoir pu faire naitre cette envie, moi aussi...
Mon homme... Serait-il troublé, ému, admiratif ? Ou ne s'attarderait-il que sur ce qu'il verrait comme des reproches ?
(Et comment lui faire réaliser sa chance ?) :D
Là, je fais ma prétentieuse... Ceci dit, je pense honnêtement qu'il y a pire que moi quand même.
Qui saura vraiment balayer ces ombres pour qu'ils ne demeurent que les caresses ?
Et pourtant, il y a le plaisir de te lire, pour faire connaissance, pour comprendre, pour être là également ...
Je t'embrasse fort.
Et encore merci à vous pour votre présence virtuelle, et pourtant vraie. :)
J'espère pouvoir faire connaissance aussi sur des sujets légers, échanger nos idées sur divers thèmes...
Ne lachez pas cela.
La vie est faite de toutes sortes d'émotion ; je suis aussi faite de toutes sortes d'émotions. J'ai osé les livrer ici, sans être rejetée, sans que les autres détournent le regard. Je retiens ça.
Tristesses, colère, oui... mais j'aime en effet m'attarder sur les gouttes de soleil, pour continuer. Il y a des jours où j'ai envie d'abandonner... mais la nuit arrive, puis le lendemain. Alors, je continue. Et l'envie revient. Espérons qu'elle ne finisse pas par s'éteindre réellement.
vous souffrez,
votre compagnon souffre,
votre couple souffre
vous souffrez en silence tous les 2, vous n'arrivez plus à vous parler à cause de cette souffrance rentrée
Je pense que votre compagnon se sent maladroit, il ne sait exprimer la souffrance qu'il a pour vous.
Je ne suis ni psy ni conseiller ni sexologue mais je pense qu'avec ce que vous avez vécu tous les 2 une aide extérieur serait la bien venue